Témoignages
Illustration, Dessin : Comment puis-je faire arrêter mon homme ?
Julien (33 ans) – le 17 Mai 2011 - Prisonnier libéré
<< J'ai fumé de l'âge de 18 à 33 ans. Au début, c'était pour me donner une contenance, faire comme les autres, symboliser le passage à l'âge adulte. J'étais dans l'apparence.
Après, la cigarette était censée m'aider pour surmonter les situations délicates, participer à ces fameux moments de convivialité, ne pas se sentir seul, démuni. Au fil du temps (en fait très rapidement), elle est devenue omniprésente, ma consommation ayant très rapidement augmenté : de quelques cigarettes quotidiennes je suis passé à un paquet, puis j'ai commencé à entamer un second paquet avant la fin de la journée, jusqu'à fumer deux paquets quand les journées se prolongeaient par des soirées festives, sorties et autres loisirs de noctambule dont on profite beaucoup plus sans dépendance.
D'un pseudo plaisir, la cigarette est devenue un prolongement de ma personne sans lequel j'avais la conviction de ne pouvoir rien entreprendre, de ne pouvoir rien réussir, tant dans ma vie privée que dans mes études puis mon travail. La dépendance totale arrive beaucoup plus vite qu'on ne le pense et les formules de type "j'arrête quand je veux" n'ont aucun sens… A ce (faux) sentiment de liberté succède un enfermement, un emprisonnement dans lequel l'individu n'a pas d'autre choix que de subir : sueurs froides quand le paquet touche à sa fin, peur de manquer, de ne pas trouver un bureau de tabac encore ouvert ou, à défaut, un bar vendant du tabac.
D'une pensée passagère, l'amour de la cigarette devient une préoccupation constante qui occulte tout : vie personnelle, objectifs, volonté de progresser… tout est conditionné à la sacro-sainte cigarette. La psychologie du fumeur s'en trouve totalement bouleversée, je peux en témoigner. Puis viennent les premiers effets physiques : fatigue passagère qui devient récurrente, difficultés à respirer correctement, déprime d'abord occasionnelle puis permanente. J'en oublie les traits tirés, l'haleine pestilentielle, le teint jaune, les dents noires, etc. Et surtout, l'envie de ne pas avoir envie. Une volonté qui n'existe plus vraiment, un appétit de vivre des choses enrichissantes qui s'amenuise petit à petit. A côté de tout cela, les dépenses liées au tabagisme apparaissent presque dérisoires. Ah ! J’oubliais l'entourage (parents, frères et sœurs, amis aussi…) qui s'inquiète et tente de raisonner le fumeur impénitent, souvent maladroitement. On le voit, "cela fait beaucoup !" Pourtant, ce n'est pas grand-chose à côté de toutes les maladies provoquées par le tabagisme qui peuvent déboucher – c'est trop souvent le cas – sur une issue fatale.
Que de vies brisées, de familles éprouvées, de couples séparés à cause du tabac, d'un petit cylindre auquel on s'attache et on se rattache de façon tellement idiote. Mais c'est si difficile de s'en détacher… Je ne fume plus depuis une douzaine de jours et j'en suis heureux : je retrouve des sensations vraies, enfuies en moi depuis mon addiction à la cigarette, je suis à nouveau en forme et chaque jour m'apporte de nouvelles satisfactions. Que dire de plus ? Si ! Une chose essentielle : passer du statut de toxicomane à celui d'homme ou de femme libre est indispensable. Pour vous, pour ceux que vous aimez et ceux qui vous aiment.
Aux plus jeunes : rester libre sans succomber à la danse du ventre de ce poison vous rendra plus forts. A ceux qui fument encore et qui veulent s'en sortir : c'est possible, il faut le vouloir et préparer son arrêt pour se donner toutes les chances de réussir. Je suis heureux de tenir le coup, j'espère que ma liberté retrouvée ne s'évaporera plus. La vie mérite d'être vécue de façon libre, sans artifice. La liberté est tellement belle. >>
Marie (29 ans) – le 18 Mai 2010 – Kit' que coûte
<< 24 Avril. Je sors de l'hôpital et j'essaie de me rapprocher de ma meilleure ennemie, mais là, pour la 1ère fois je la trouve répugnante; sentiment total d’incompréhension.
Je réessaie quelques jours plus tard, mais dès son entrée en moi, je tousse, je crache et me saoule à l’eau pour faire passer le dégoût. Serais-je en train de perdre mon ennemie de longue date??? Le 3 mai, je fume 8 cigarettes, le 4, j'en fume 5. Mes rêves sont de devenir infirmière et d’être entourée d’une famille soudée et heureuse. J’ai un compagnon depuis plusieurs mois avec qui j’envisage sérieusement l’avenir.
Je ne suis plus seule, je n’ai plus besoin de cette amie tueuse de rêves, tueuse tout court. Nous sommes le 5 Mai, j'arrête de mourir pour recommencer à vivre. Mes amies, ma famille et mon compagnon me soutiennent dans cette démarche ; Les patchs m’aident. Alors, OUI ce n’est pas facile, OUI je crise pour un rien, mais ce n’est rien d’insurmontable.
Le sentiment de fierté éprouvé à l' idée de ne pas être obligé de tenir le même discours à mes futurs enfants que celui de ma mère (elle ne fume plus depuis 20 ans) vaut toutes les meilleures ennemies du monde!! Avec le recul, et en relisant ce témoignage, je ris de ma connerie et suis persuadée que je suis plus forte que des composés chimiques en robe blanche.